vendredi 22 septembre 2017

Evolution de la salle de classe au XXème siècle


Quelques évolutions du mobilier
dans la salle de classe
Entre 1882  et 1950

(Deuxième partie)

Le maître et ses élèves, vers 1900 (CANOPE)


Avant le 19ème siècle, le peu d’intérêt que représente l’enseignement pour les autorités n’est pas de nature à favoriser les conditions d’accueil des enfants et  les lieux de classe sont meublés de façon très sommaire. Les tables, si elles existent, ne sont que peu adaptées aux élèves. Souvent, ces derniers n’ont que des bancs et écrivent sur leurs genoux. Quelquefois, des tréteaux et des planches constituent les seules tables.



pupitres jusqu'en 1950 (collection musée)

Les pupitres

Le 19ème siècle voit apparaître dans les écoles, des pupitres dignes de ce nom. Ils son souvent vissés au sol et fabriqué dans une longue planche inclinée surmontée d’une planche plus étroite, horizontale et rainurée pour empêcher les porte-plumes de tomber. Des encriers sont encastrés à la droite de chaque place (rappelons que les gauchers n’ont pas d’existence légale). Le musée de la Maison d’Ecole possède un de ces pupitres et l’on constate que le long plateau est solidaire d’un banc sans dossier pouvant accueillir des enfants serrés les uns contre les autres et qui doivent l’enjamber pour s’asseoir. Ainsi, selon les besoins et la taille des élèves, un même pupitre peut comporter 5 à 10 places.


Pupitres collectifs, tournage du film "De Jules à Julien" (collection musée)


Avec le temps, des aménagements sont apportés, souvent des améliorations demandées ponctuellement par des maîtres. Ainsi, des ardoises ont pu être incrustées dans les pupitres, des encoches ont pu être creusées près des encriers pour mettre une bougie en complément de lumière, une planchette en bois fixée sur le banc entre deux places a pu matérialiser la séparation garçons-filles dans les classes de campagne, les filles s’installaient sur le banc par une extrémité et les garçons par l’autre. Notons au passage que l'incrustation des ardoises dans le bois des pupitres n'était pas de nature à favoriser le "procédé Lamartinière", introduit au 19ème siècle, et qui consistait à brandir l'ardoise en direction du maître lors des interrogations (notamment en calcul mental). De nombreux maître accusaient ce procédé d'"engendrer du désordre"... 


Ecole-musée de Champagny, Côte-d'Or


Avec l’arrivée des lois Ferry de 1881-1882, des Instructions spéciales réglementent la construction des pupitres. Les différentes inclinaisons du plateau observées varient de 0° à 20°, bien que la grande majorité d'entre-elles se situent de 8° à 9°. Cette inclinaison moyenne est suffisante pour bien offrir le livre aux regards tout en évitant son glissement.

Plan coté pour la fabrication de pupitres (collection musée)

Si le pupitre, dans la pédagogie traditionnelle, fut le support du livre et du cahier, il devient aussi le support du corps de l’écolier pendant l’étude. La forme du siège et les dimensions relatives des espaces entre le plateau, le siège et le sol déterminent la bonne position du corps et doivent faciliter l’entrée et la sortie de l’élève de son pupitre. De nombreux textes du dernier quart du XIXème siècle reflètent la préoccupation d’accueillir les enfants sur un mobilier  étudié pour leur taille. Guidés par des études scientifiques les concepteurs témoignent de la nouvelle attention portée à la santé des enfants. La myopie, la scoliose vont être combattues et les mauvaises postures bannies. Finis les pupitres collectifs, place aux pupitres à deux places avec dossier et rangement.


Pupitre à abattants (collection musée)


Le casier à abattant était fréquent et le restera longtemps encore, on assistait à cette scène semi-comique dans laquelle les élèves cherchaient simultanément un livre ou un cahier dans le casier maintenant l’abattant de la tête pour avoir les mains libres. Inutile de préciser que les maîtres n’adhéraient pas à ce dispositif peu pratique et au claquement bruyant lors de sa manipulation par des élèves maladroits... Les fabricants favoriseront alors la production de pupitres à casier ouvert sur le devant, construit solidement en chêne et qui traverseront les époques, voyant passer plusieurs générations d’écoliers qui participeront à son entretien. En effet, chaque fin d’année scolaire, le pupitre était frotté au papier de verre par son occupant pour enlever les taches d’encre, puis ciré et lustré par lui afin d’être comme neuf pour la rentrée suivante. D’autres souvenirs pouvaient aussi être laissés par des garnements indélicats, quid de la discipline de fer tant vantée ?...


Pupitre gravé par l'élève Antoine Chaînard (collection musée)


La naissance d'une  pédagogie tournée vers la manipulation de documents et de petits matériels tels que les jetons ou les bûchettes pour le calcul par exemple, fait évoluer les pupitres vers le plan horizontal. On assiste alors à des rectifications artisanales de la pente de ceux-ci par introduction de coin de bois sous les plateaux, ainsi ramenés à l'horizontale. On trouve dans le commerce les pupitres inclinés jusqu'en 1936 (catalogue SUDEL, page 26).


Catalogue de mobilier et matériel scolaire "Les fils d'Emile Deyrolle", 1925 (collection privée)


Les Instructions du 30 août 1949 veulent instaurer un nouveau mobilier scolaire, de préférence individuel, avec une table horizontale (munie d'une rainure pour les porte-plumes et d'un trou destiné à recevoir l'encrier) pour chaque enfant et une chaise. Ce matériel doit être facilement transportable par l'enfant lui-même. Les tables et les sièges seront de couleur claire, y compris le dessus de la table. En aucun cas le mobilier ne sera fixé au sol.

En 1950, on préconise des tables réglables avec des tubes d'acier. De nos jours, certaines communes équipent leurs écoles d’un mobilier innovant dit « ergonomique » aux multiples réglages en vue d’une parfaite installation de l’élève.


Extrait du catalogue Ephaistos, 2017


Le poêle

La classe était équipée à la ville comme à la campagne d'un poêle en fonte (souvent de marque GODIN), alimenté au charbon pour le premier ou au bois pour le second. L'honneur d'assurer la corvée d'allumage revenait le plus souvent à l'élève le plus méritant (ou le plus dégourdi) qui, après avoir froissé un journal et disposé de menus morceaux de bois, enflammait le tout avant de "charger" en charbon au moyen d'un seau ou en bûches.


Le poêle de la classe 1882 (collection musée)


Le manque de moyen dans les écoles de campagne poussait souvent le maître à demander aux élèves d'apporter le matin, chacun une bûche afin d'assurer le chauffage de la journée. C'est ainsi que les écoliers arrivaient munis de leur cartable, de la bûche et le plus souvent de leur gamelle pour leur repas de midi. Le poêle servait alors de cuisinière pour réchauffer la "soupe", pendant que chacun attendait autour de la grille.


Le poêle de la classe 1950 (collection musée)


Bientôt, les instructions recommandent qu’une grille protège les élèves d’éventuelles brûlures. Après les moyens de chauffage précaires utilisés jusqu'au milieu du siècle, la loi de 1953 apporte des précisions sur les moyens à utiliser pour chauffer les classes, elle recommande l'emploi d'appareils à bois, à anthracite ou l'utilisation du "calorifère irlandais à ailettes". Mais peu à peu, les communes équipent leurs écoles d'un  chauffage central, activé et entretenu par un personnel municipal, souvent au charbon dans les années 1960. Ensuite, d'autres énergies sont utilisées (gaz, fuel...).


L’œil de bœuf de la classe 1882 (collection musée)


L’œil de bœuf

Dans chaque classe, au-dessus du tableau où s’inscrivait la date du jour, trônait un œil de bœuf, sur le même mur que les planches didactiques, que la bibliothèque scolaire, que la petite armoire vitrée qui renfermait le compendium métrique, outil de l’uniformisation nationale. Cet œil de bœuf faisait partie de l’inventaire des matériels obligatoires dans les instructions officielles. Il dominait la pièce et sa population enfantine, surplombant l’estrade et la chaire du maître. Il était l’image vivante de l’autorité économique et de cette heure industrielle qui était indifférente à la majorité de ces écoliers des campagnes dont la vie était rythmée par la lumière du jour. Il faisait corps avec ce mur du savoir républicain.  




En résumé

Dès 1881, l'Etat prend en main l’évolution du mobilier scolaire (à la charge des communes). La table-banc de 8 à 10 places avec le banc sans dossier lié à la table, sans souci de la taille des enfants et couramment utilisée, est peu à peu remplacée. Les Instructions spéciales, sans être très claires avant 1889 préconisent une réglementation de ce mobilier.
En outre, ces mêmes instructions précisent la composition du matériel scolaire :
- un bureau de maître avec estrade de 0,30 m à 1,32 m de hauteur,
- une armoire bibliothèque où les livres seront rangés,
- des tableaux et des cartes,
- un compendium métrique
- des agrès, appareils de gymnastique et fusils scolaires,
- une armoire pour ranger les objets indispensables à la propreté de l'école.


Vue d'une salle de classe, vers 1890 (collection musée)


Les Instructions du 30 août 1949 actualisent la liste du matériel à fournir par les communes:
- des tables et des sièges pour les maîtres,
- des tables et des sièges en nombre suffisant pour les élèves en fonction de leur taille,
- des tableaux noirs,
-.le matériel nécessaire à l'enseignement (cartes, planisphère, etc), ainsi que le matériel de travail manuel et des arts ménagers,
- différentes armoires et une ou plusieurs prises de courant.

La loi de 1953 apporte quelques changements : 2 tableaux noirs ou de couleur, une table longue pour les travaux pratiques, un meuble à archives, un panneau d'affichage et un cadre à glissières pour exposer les gravures.


Vue d'une salle de classe, vers 1950 (collection musée)


P.P












1 commentaire: